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Partir vers l’inconnu (thème 20)

Dernière mise à jour : 29 janv. 2021

Thème du mois : terrain vague


Le thème du terrain vague, comme champ des possibles et lieu physique à investir, rappelle à la mémoire cette conception du territoire, longtemps véhiculée et aujourd’hui vivement contestée, des Européens à l’époque de la conquête du monde et des Amériques. Malgré les critiques de la colonisation que l’on connaît bien aujourd’hui, nous pouvons tenter d’imaginer l’état d’esprit de ces explorateurs devant l’immensité de la nature, encore non entachée de manière permanente par les constructions humaines, y projetant leurs rêves les plus fous. Certains, toutefois, ont rapidement été rattrapés par la réalité moins exotique et plus réaliste de la vie difficile du colon.


Différemment, bien sûr, de cette conception du monde propre à Samuel de Champlain (1567-1635) et Jacques Cartier (1491-1557), pour ne nommer que ces derniers, les membres du Groupe des Sept ont fait de l’exploration des territoires du lac Supérieur et de l’Ouest canadien le pivot de leur démarche artistique centrée sur la nature et le paysage. En effet, l’esthétique développée par le Groupe des Sept se caractérise par des éléments naturels définis à l’aide de traits précis et de formes schématisées tendant parfois vers une géométrisation. L’œuvre Clouds Over Lake O'Hara (1930) de James E. H. MacDonald (1873-1932) illustre bien le propos. Le Groupe des Sept voyait dans les éléments naturels des paysages nordiques de véritables symboles de l'identité canadienne. Ils voulaient, à partir de ceux-ci, créer un art où l'on pourrait reconnaître un style typiquement canadien. [1]


James Edward Hervey MacDonald, Clouds Over Lake O'Hara, 1930


Quant au lieu physique à explorer, pensons également à tous ces artistes qui ont fait le choix de tout quitter et de recommencer à zéro, afin de se bâtir une nouvelle vie au Canada. C’est le choix qu’a fait Thomas Mower Martin (1838-1934), un artiste que je souhaite vous faire connaître.


Natif de Londres en Angleterre, Thomas Mower Martin se tourne vers l’étude des beaux-arts à la suite d’une carrière de militaire et de charpentier. Las de la vie londonienne, Martin et sa nouvelle épouse décident de s’établir au Canada en 1862, à un moment où les autorités britanniques encourageaient l’émigration en Amérique du Nord afin d’y assurer l’exploitation des terres. Martin s’installe donc à Muskoka, en Ontario, où il construit une ferme. La terre s’avérant impossible à cultiver, il décide alors de s’établir avec sa famille à Toronto pour y amorcer sa carrière de peintre. Martin sera un acteur important dans le développement des arts en Ontario. En effet, il participe à la fondation de l’Ontario Society of Artists (1872) et de l’Académie royale des arts du Canada (1880). Il devient également le premier directeur de l’Ontario School of Art, un poste qu’il occupera de 1877 à 1879. Il quitte ensuite ses fonctions pour explorer et peindre des paysages de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et du Québec.


Sept ans plus tard, Martin effectue un premier voyage dans l’Ouest canadien, commandité par la Canadian Pacific Railway. À l’époque, la compagnie ferroviaire avait réuni un groupe d’artistes, les Railway Painters, parmi lesquels figuraient Marmaduke Matthews (1837-1915) et Lucius O’Brien (1832-1899). Ces artistes seront parmi les premiers à peindre cette région. Martin y retournera à de nombreuses reprises et voyagera également aux États-Unis.


Thomas Mower Martin, Jacques Cartier Claiming Canada, 1880 c

Autour de 1880, Thomas Mower Martin a réalisé Jacques Cartier Claiming Canada, une œuvre qui se trouve maintenant dans la collection du MAJ. Dans ce tableau, l’artiste représente une scène importante de l’histoire coloniale canadienne, la revendication du pays au nom du roi de France. Cet événement marque le début de la présence européenne en Amérique du Nord et celui du fait français. Le moment mis en scène est celui où Jacques Cartier fait ériger une croix blanche à Gaspé, le vendredi 24 juillet 1534. Nous pouvons lire sur la croix « Vive le roy de France ». Le peintre a toutefois omis de peindre les armoiries de la France qui, selon les comptes rendus historiques, figuraient également sur la croix.[1] Cette peinture provient de la collection de maître Claude Laberge et de son épouse Jacqueline Brien à qui le MAJ doit un important corpus d’art canadien ancien. Le couple compte parmi les plus importants donateurs de la collection du Musée.


Traiter de ce tableau aujourd’hui ouvre la porte à une réflexion sur l’appropriation du territoire et à l’importance d’ouvrir le dialogue afin de rebâtir des ponts rompus par l’histoire de la colonisation entre les cultures et les générations.


Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, La Vérendrye au passage des Rocheuses, 1923


Nous vivons à une époque où le récit de l’histoire canadienne est en cours de réécriture et de profonde remise en question. Une importante démarche de décolonialisation, de réappropriation, de guérison et de réconciliation est en marche. En ce sens, le MAJ souhaite offrir une place de choix aux voix des communautés autochtones, mais aussi à leur «empowerment», en soutenant leur proposition de projets. Les Premières Nations habitaient et exploitaient le territoire bien avant l’arrivée des Européens. Elles ont grandement contribué au succès de l’installation de ces derniers, de même qu’à leur descendance. Autrement, nous ne serions pas ici pour parler de réconciliation.


 

[1] Voir l’article d’Émilie Grandmont Bérubé, La modernité canadienne à travers le paysage. (Semaine 5 de Musée en quarantaine)

[2] Verna, Gaëtane (sous la dir.), Le Musée d'art de Joliette : catalogue des collections, Joliette, Musée d'art de Joliette, 2012, pp. 174-175 (cat. 43).


Cet article a été écrit par Nathalie Galego, adjointe aux collections du Musée d'art de Joliette.


Liens externes

20 juin 2020 : Lancement du balado Laissez-nous raconter : L’histoire crochie : ÉCOUTEZ ICI

➔ Lire ou relire l’article d’Émilie Grandmont Bérubé, La modernité canadienne à travers le paysage. (Semaine 5 de Musée en quarantaine) : LIRE ICI


👉 LIRE TOUS LES ARTICLES DE L'ÉQUIPE DE CONSERVATION DE LA COLLECTION DU MAJ



POUR PARTICIPER À MUSÉE EN QUARANTAINE

Vous avez jusqu'au dimanche 31 janvier à midi pour nous envoyer vos créations artistiques inspirées du thème du mois. L’exposition sera en ligne le jeudi 4 février 2021.


Cliquez ici pour savoir comment participer.

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