L'équipe du MAJ
Réalise ta propre estampe - spécial famille (thème 29)
Chaque mois, le département de l’éducation propose aux enfants de 7 à 12 ans de réunir leur famille pour explorer le contenu d’un article, créer et s’amuser!
Ce mois-ci, nous allons discuter de la technique de l’estampe.
Toute la famille est invitée à participer et à échanger. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. D’ailleurs, on a le droit de ne pas être d’accord, mais il faut expliquer son point de vue et surtout écouter celui des autres.
Réfléchissons ensemble
Selon toi, qu’est-ce que l'estampe?
Existe-t-il différentes pratiques de l’estampe?
Quelles sont les spécificités de la pratique de l’estampe?
Découvrons la thématique
Qu’est-ce que l’estampe? Le terme estampe, de l’italien stampa (figure gravée/impression), désigne généralement toute impression réalisée à l’encre sur un support (généralement papier) à partir d’une matrice (souple ou non) que nous gravons ou sur laquelle nous dessinons. L’estampe s’obtient par l’action d’encrer une matrice, puis de la passer sous presse. Cette action transfère l’encre sur le support choisi.
L’estampe est donc l’impression d’une gravure à partir d’une matrice. Il existe plusieurs techniques de gravure.C’est en fonction du type de matrices et de la technique de gravure qu’on utilise pour sa réalisation que l’on donne différents noms à une estampe. La matrice peut être faite à partir de différentes matières.

*C’est la taille-douce qui réunit la plus grande diversité de procédés : aquatinte, burin, eau-forte, manière noire, pointe sèche, vernis mou.
** En art contemporain et actuel, il est devenu fréquent que les artistes mélangent les techniques dans la réalisation d’une œuvre. L’ensemble des techniques d’estampe existantes peuvent être, elles aussi, jumelées pour un résultat qu’aucune ne pourrait offrir seule. Ces techniques peuvent aussi être jumelées à d’autres médiums. Elles peuvent également être utilisées dans le cadre d’œuvres sculpturales ou installatives, performatives, participatives, relationnelles et bien d’autres encore!
La particularité de l’art de l’estampe consiste à reproduire un dessin en un certain nombre d’exemplaires que l’on nomme épreuves, et ce, à partir d’une matrice. Il existe plusieurs méthodes pour réaliser celle-ci.
La gravure en relief ou en taille d’épargne est une méthode qui permet de faire ressortir un motif en relief sur la matrice. Les parties à imprimer sont mises en relief à l’aide d’un couteau ou d’une gouge. Elle regroupe la xylographie et la linogravure.
La taille-douce, quant à elle, regroupe les méthodes de gravure en creux. Elle est généralement réalisée à partir d’une matrice en métal (cuivre, zinc, laiton, acier). Il existe deux sous-familles de taille-douce, les techniques directes qui consistent à creuser directement le métal avec un outil pointu, et les techniques indirectes qui consistent à utiliser de l’acide pour creuser un motif sur le métal.
La lithographie diffère des techniques précédentes puisqu’elle ne consiste pas à graver dans la matrice. Dans le cas la lithographie traditionnelle sur pierre, on dessine plutôt sur la matrice à l’aide d’un crayon gras ou d’une encre grasse. Quant à la lithographie sur plaque de polyester (pronto plate), on imprime au laser sur la matrice un dessin réalisé numériquement à l’aide d’un logiciel de traitement de l’image ou un dessin exécuté à la main qui a été numérisé, ou encore, on dessine directement sur celle-ci à l’aide d’un crayon gras.
Un brin d'histoire
Historiquement, les législateurs, autant européens qu’américains, ont éprouvé de grandes difficultés pour établir dans une loi écrite une définition de l’estampe originale englobant toutes les techniques, anciennes et modernes. C’est pour cette raison que le Conseil de la gravure du Québec publie, en 1982, un Code d’éthique de l’estampe originale qu’il réédite en 1984.
Ce code tente de cerner la nature de l’estampe originale et identifie toutes les étapes de l’élaboration d’une estampe, de la conception à la mise en marché. En 2000, ce code fut révisé par le centre d’artistes autogérés Arprim (anciennement le Conseil québécois de l’estampe) qui propose une mise au point sur la question des nouvelles pratiques qui inclut l’estampe numérique. Celle-ci rappelle que l’estampe numérique, tout comme l’offset d’art*, respecte les critères généralement associés à l’estampe, soit :
Le travail sur une matrice (données numériques enregistrées dans la mémoire d’un ordinateur);
La création d’une image exploitant les caractéristiques propres à une technique;
Le report de la matrice sur un support;
La reproductibilité de l’image.
*L’offset est un procédé d’impression qui est en fait une amélioration de son ancêtre, la lithographie. Ce procédé remplace la pierre lithographique par une plaque cintrable, adaptée à un cylindre, et l’ajout d’un blanchet autour d’un cylindre porte-blanchet (ou cylindre offset), entre le cylindre porte-plaque et le papier. Sur la presse offset, le blanchet, c’est le caoutchouc toilé, enroulé sur un cylindre, qui transfère l'impression de la plaque au papier.
Richard Ste-Marie, souligne dans cette version révisée du code que « (…) les artistes qui utilisent ces nouvelles technologies contribuent au renouvellement des deux piliers de la tradition de l’estampe : l’élargissement du champ de la pratique et le développement du métier ».
La pratique de l’estampe comme les autres disciplines artistiques est en constante évolution. Le développement du métier passe par des remises en question. À cet effet, deux designers allemands, Martin Schneider et Dominik Schmitz, ont noté que la pratique de l’intaglio (gravure sur métal) n’était accessible qu’à un petit groupe d’artistes. Effectivement, la plupart d’entre eux n’ont pas la possibilité de se procurer une presse d’impression, dû au fait que celles-ci sont coûteuses, lourdes et encombrantes. De plus, ce ne sont pas tous les artistes qui ont accès aux rares ateliers de gravure qui se situent généralement dans les universités ou dans les institutions privées.
En réponse à ce constat, les deux designers voulaient donner à un plus grand nombre d’artistes la possibilité de pratiquer leur art, et ce, même dans des endroits où la gravure n’était pas possible en raison d’un manque d’accès à une presse à gravure. En solution à cette problématique, les designers ont rendu accessible, par le projet Open Press[1](https://openpressproject.com/), une petite presse à gravure imprimée en trois dimensions, qui permet d’utiliser les techniques de gravure dans son salon ou son atelier, voire à l’extérieur.
En 2018, ils ont publié les plans gratuitement sur le site internet Thingiverse. Celui-ci héberge une communauté de membres intéressée par la découverte, la fabrication et le partage de choses imprimables en 3D. En 2019, ils organisent une campagne de financement participatif où près de 1 500 bailleurs de fonds s’impliquent afin de rendre les presses disponibles pour les individus n’ayant pas accès à une imprimante 3D. Après de longues recherches, ils fondent une entreprise afin de trouver comment fabriquer efficacement de grandes quantités de ces petites presses pour qu’ils puissent les expédier dans le monde entier. Ainsi, tous les artistes et créatifs qui veulent rejoindre la communauté de la gravure pourront expérimenter cette forme d’art.
Découvrons plus en détail la linogravure
La linogravure est un procédé de gravure en taille d’épargne qui s’oppose à la taille-douce. Cette technique consiste à évider certaines parties de la plaque de linoléum (matrice) et à encrer les parties intactes (non évidées) qui sont laissées en relief. Le transfert de l’encre disposé sur les zones non évidées s’effectue par pression sur le support (généralement du papier). L’estampe est obtenue par la pression entre le support et la matrice qui conserve l’empreinte de l’encre.
Les principaux procédés en taille d’épargne sont la gravure sur bois (la xylographie), la linogravure et certains types de collagraphie. La linogravure est un substitut à la gravure sur bois. C’est l’inventeur britannique Frederick Walton qui, au 19e siècle, invente le linoléum tel que nous le connaissons aujourd’hui. À l’origine, le linoléum est utilisé en tant que revêtement de sol, à la fois confortable, économique et résistant.
À l’époque, vers 1860, on vendait sur le marché anglais un revêtement de sol à base de caoutchouc et de liège qui se nommait Kamptulicon. Cependant, la qualité de ce revêtement ne cesse de baisser à mesure que les fabricants réduisent le pourcentage de caoutchouc qui entre dans sa composition.
Walton eut l’idée de remplacer le caoutchouc par de l’huile de lin (qu’il transforme en matière souple et gommeuse par un procédé de son invention). Le linoléum est donc constitué d’un mélange de pâte d’huile de lin, de sciure de liège, de gomme et de résine, coulé dans un substrat de jute.
Il faudra attendre les années 1900 pour que les artistes visuels détournent la fonction première du linoléum aux fins de gravure. Effectivement, les outils et la technique de gravure sur bois sont transposables à celle de la linogravure. Ce matériau est peu friable lorsqu’il est froid, ce qui permet la finesse des traits. De plus, il se ramollit rapidement à la chaleur, ce qui rend faciles les tailles gestuelles. Il est également exempt de fibres, contrairement au bois, qui, lui, ne se grave pas de la même façon si on suit le sens des fibres ou si on travaille perpendiculairement à ces dernières.
L'origine de L'estampe / Gravure inuite
Traditionnellement, les pratiques artistiques des artistes inuits s’orientent dans le champ de la gravure et de la sculpture des matières naturelles (comme la pierre, les os, les bois d’animaux, le bois et l’ivoire), de la couture par la confection de broderies complexes sur leurs vêtements ou par la création de tatouages élaborés sur le visage et les autres parties du corps.
Les Inuits, comme tous les artistes à travers le monde, ont développé leurs pratiques artistiques en lien avec les matériaux accessibles sur leur territoire. Les Inuits peuvent se procurer localement la pierre, les os, les bois d’animaux, le bois et l’ivoire nécessaires à leurs sculptures, mais le papier et les instruments de dessin (des outils essentiels à la pratique de l’estampe) étaient inconnus dans ce coin de pays avant l’arrivée des explorateurs et des missionnaires européens.
Généralement, l’estampe est réalisée à partir d’une image en relief gravée dans une planche de bois plane. Dans l’Arctique, le bois n’est pas un matériau pratique en raison de sa rareté, surtout à cette époque où les transports dans le Grand Nord étaient extrêmement limités. Les artistes inuits se tournent donc vers les matériaux qu’ils ont sous la main.
L’art de l’estampe exige des techniques et de l’équipement spécialisé, ces derniers sont introduits par James A. Houston à Cap Dorset, vers 1957. Il apporte d’ailleurs du sud des tuiles de plancher de linoléum. Houston va rapidement rencontrer des artistes inuits prêts à explorer ce médium. En 1959, les artistes inuits découvrent une carrière locale de roches vertes, qui serviront à la conception de leurs gravures.
Toujours en 1959, les cinq premiers graveurs – Kananginak Pootoogook, Iyola Kingwatsiak, Lukta Qiatsuk Eegyvudluk Pootoogook et Osuitok Ipeelee – réalisent des estampes à la West Baffin Eskimo Co-operative (nommée localement la Kinngait Co-operative). Celle-ci développera rapidement son expertise et obtiendra une réputation internationale et elle sera connue sous le nom de : « l’atelier de Cape Dorset ».
Rapidement, les artistes inuits vont expérimenter et illustrer leur histoire; leurs œuvres parlent de l’identité inuite, passée et présente. Ils vont également représenter la faune environnante (animaux, oiseaux, vie marine), les modes de vie d’antan, les légendes et la mythologie ainsi que les pratiques chamaniques, les créatures et les esprits. Rarement les artistes vont aborder les aspects de la vie contemporaine, des paysages seuls ou des images abstraites ou non objectives.
La pratique de l’estampe chez les Inuits se distingue également par l’utilisation de l’espace pictural. De manière générale, ils ne représentent pas les corps et les objets en trois dimensions dans un espace plausible. La plupart des images sont bidimensionnelles, et l’accent est mis sur les motifs et les décorations plutôt que sur les volumes. Cependant, dans la pratique récente, l’utilisation de concept spatial occidental est apparente.
Regardons l’œuvre suivante :

Jessie Koneak Jones, Half human, half fish, 2017 - ᓯᐊᓯ ᒫᑭ ᒪᑎᐊᓪᑕ ᐄᕙ (ᖁᖏᐊᖅ) ᔫᓐᔅ
Apprenons sur l’artiste :
Jessie Koneak Jones est née en 1955, troisième d’une fratrie de dix. Elle réside à Kuujjuaq, la plus grande communauté du Nunavik.
Elle a été enseignante pendant 32 ans à Inukjuak et surtout à Kuujjuaq. Au fil des ans, elle a fabriqué plusieurs de ses propres supports pédagogiques. C’est ainsi qu’elle a développé sa capacité et son désir de dessiner.
L’une de ses réalisations en tant qu’artiste est le logo de la Société Makivik. Cette organisation inuite représente environ 10 000 Inuits dans leurs relations avec les gouvernements du Québec et du Canada.
Faisons des liens
Avec cette œuvre, l’artiste :
- Illustre les légendes et la mythologie du Grand Nord;
- Représente la faune environnante du Nord-du-Québec;
- Met l’accent sur les motifs;
-Ne représente pas le corps en trois dimensions dans un espace plausible.
Cela nous amène à réfléchir :
- La mythologie et aux légendes du Nord-du-Québec et celles existantes au sud;
- À la faune du Nord-du-Québec et à celles existantes au sud;
-À comment nous représentons le corps.
Amusons-nous : conçois une estampe
Et si tu t’inspirais de la pratique de l’estampe inuite ? Dans cet atelier, nous te proposons de t’initier à la gravure en creux.
Comme matériel, tu auras besoin des articles suivants :
o Planchette de polystyrène;
o Rouleau mousse, rouleau d’impression, éponge ou pinceau;
o Peinture (acrylique, gouache ou encre d’impression);
o Crayon à mine de plomb;
o Aiguisoir;
o Papier brouillon;
o Gomme à effacer;
o Paire de ciseaux.
Suis la démarche suivante :
Choisis un lieu (réel ou imaginaire) qui pourrait accueillir ton œuvre.
Réalise un croquis de ta gravure sur le papier brouillon. Réfléchis aux spécificités de la pratique de l’estampe du nord québécois et tente d’intégrer quelques aspects de celle-ci dans ta gravure. Inspire-toi de ton environnement et de ton vécu!
Tu peux aborder :
- Ton identité;
- La représentation de la faune environnante (animaux, oiseaux, vie marine);
- Les modes de vie d’antan;
- Les légendes et la mythologie;
- Les motifs décoratifs.
2. Trace ton croquis sur ta plaque de polystyrène.
3. Réalise la matrice de ton estampe à l’aide de la pointe d’un crayon à mine de plomb. Pour ce faire, grave ton tracé effectué à l’étape précédente. Fais attention, si tu appuies trop fort, tu risques de perforer ta plaque de polystyrène. Il faut graver avec une pression suffisante afin que le sillon de ton tracé soit bien marqué.
Si les traits gravés ne sont pas assez profonds, lorsque tu encreras ta matrice, l’encre bouchera ton dessin. Si tu imprimes un dessin bouché, il est probable que nous ne reconnaissions pas l’image que tu as créée.

4. Appose l’encre sur l’entièreté de la surface à l’aide du rouleau encreur.
5. Réalise un ou plusieurs tests d’impression afin d’évaluer la quantité d’encre dont tu as besoin pour réaliser le tirage de ton estampe.
Ton estampe doit être lisible, c’est-à-dire que l’image imprimée doit être apparente et compréhensible. Des ajustements sont fréquents dans l’application de l’encre. Afin de t’aider, vérifie lors de tes tests d’impression les deux points suivants :
L’estampe qui n’a pas suffisamment d’encre est une estampe dont l’image n’est pas imprimée dans sa totalité. Le problème du manque d’encre s’identifie par une impression partielle ou fragmentée de l’image.
L’estampe qui est bouchée est une estampe dont l’image n’est pas lisible à cause d’un surplus d’encre. Le problème du surplus d’encre s’identifie généralement par la présence d’une accumulation d’encre sur l’impression qui cache la lisibilité du dessin.
6. Imprime ton estampe une fois que tu es satisfait de tes tests d’impression.
Concluons la discussion :
Maintenant que tu as lu, observé, appris et exploré, est-ce que tu as changé d’idée ou peux-tu compléter ta réflexion de tantôt?
Qu’est-ce qu’une estampe et à quoi sert-elle?
Que pouvons-nous représenter par la pratique de l’estampe?
Quelles sont les spécificités de la pratique de l’estampe? Est-ce possible que certaines changent selon l’endroit où nous résidons?
Fais-nous parvenir une ou des photos de ta création à quarantaine@museejoliette.org
N’oublie pas d’indiquer ton nom et… de donner un titre à ta création.
[1] https : //www.instagram.com/openpressproject
Ce texte a été rédigé par Ariane Cardinal, conservatrice à l'éducation du MAJ et Caroline Pierre, conservatrice adjointe de l’éducation du MAJ.
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POUR PARTICIPER À MUSÉE EN QUARANTAINE Vous avez jusqu'au dimanche 31 octobre à midi pour nous envoyer vos créations artistiques inspirées du thème du mois. L’exposition sera en ligne le jeudi 4 novembre 2021.
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